Encadrer strictement le lobbying

De quelle société voulons-nous?


II - Encadrer strictement le lobbying


Le lobby de la Chambre des Communes, Liberio Prosperi, 1886

Ces dernières années et en particulier durant ces deux ans de crise sanitaire, les inquiétudes se sont faites de plus en plus vives au sein de la population quant aux situations de collusions entre la sphère politique et la sphère économique. Lorsque des acteurs économiques parviennent à biaiser secrètement des décisions politiques dans leur intérêt, le peuple est perdant. En effet, ce favoritisme se fait nécessairement au détriment d’une saine concurrence entre acteurs économiques, fourvoyant la quête des meilleurs produits et services aux meilleurs prix pour la population.


Le lobbying économique et financier existe certainement depuis des millénaires, depuis que l’exercice du pouvoir existe. Toutefois, une immense différence existe entre un lobbying encadré, régulé, surveillé, et un lobbying sauvage, sournois relevant de la collusion, de la fraude. Assurément, une société mûre est nécessairement dotée d’un strict encadrement du lobbying, car l’expérience montre aisément que l’absence d’un tel cadre conduit à de graves dérives pour la société. Aujourd’hui, il paraît judicieux et nécessaire de s’interroger sur la place du lobbying en France, et c’est certainement valable dans de nombreux autres pays.


Premièrement, la défiance d’une grande partie de la population envers la classe politique suspectée de liens d’intérêts avec des acteurs économiques, constitue en soi un solide motif pour prendre ce sujet à bras le corps. Une telle défiance est inquiétante et doit être adressée, au risque sinon de voir se déliter encore davantage la relation entre les citoyens et leurs gouvernants. L’unité nationale dépend de cette confiance aujourd’hui ébranlée. Deuxièmement, de nombreux faisceaux d’indices conduisent à se poser de sérieuses questions quant à l’influence d’acteurs économiques sur certaines décisions politiques, notamment celles qui furent prises en lien avec la crise sanitaire. Voyons cela à travers l’exemple suivant.

 


L’affaire du Cabinet de Conseil


Le gouvernement a fait appel à un cabinet privé de conseil en stratégie américain pour l’accompagner dans la mise en œuvre de sa stratégie vaccinale, lequel cabinet a facturé ses prestations une dizaine de millions d’euros et a détaché des personnes au cœur même des équipes ministérielles travaillant sur ces sujets. Il est déjà étonnant que nos impôts, parmi les plus élevés au monde, ne nous permettent pas d’avoir suffisamment de ressources d’État et d’intelligence stratégique pour répondre à nos besoins en matière de stratégie vaccinale. Ensuite, le fait de faire appel à un cabinet étranger pour l’élaboration de notre stratégie nationale soulève une réelle question de souveraineté, d’indépendance décisionnelle. Enfin, se pose forcément la question de l’indépendance de ce cabinet par rapport à l’industrie pharmaceutique. Or, le cabinet en question fait partie des leaders mondiaux du conseil en stratégie auprès de l’industrie pharmaceutique.


Comprenons bien que la capacité à infiltrer des processus décisionnels d’un État en matière sanitaire constitue un immense atout pour un cabinet de conseil, atout qui peut être grandement valorisé auprès de ses clients de l’industrie pharmaceutique. Même dans l’éventualité où l’État a recours à un appel d’offre public et transparent pour recruter un cabinet de conseil, la simple sélection du cabinet offrant la meilleure prestation au meilleur prix peut conduire à une énorme erreur. En effet, un cabinet de conseil lié à l’industrie pharmaceutique pourrait même envisager de travailler gratuitement dans ce cas précis afin de pouvoir placer des pions au cœur du processus décisionnel de l’État. Le cabinet rattraperait ensuite son investissement en vendant des prestations d’autant plus chères à l’industrie pharmaceutique. Tout cela pose donc de sérieuses de questions. Et le doute grandit encore lorsque l’on examine le passif judiciaire des acteurs en question.

Le principal laboratoire pharmaceutique bénéficiaire des décisions gouvernementales a déjà été contraint par la justice à payer de lourdes amendes à de multiples reprises pour des pratiques commerciales frauduleuses, promotion abusive de médicaments, publicité mensongère, des faits de corruption impliquant des médecins et des responsables de la Santé dans divers pays, des commissions occultes. Ce laboratoire a même reçu l’une des plus grosses amendes jamais infligée par la justice américaine à un groupe pharmaceutique, pour un montant de 2,3 milliards de $ en 2009.


Quant au cabinet de conseil ayant conseillé le gouvernement, il a payé 573 Millions de $ en 2021 pour clore les poursuites judiciaires lancées à son encontre aux États-Unis pour son rôle de conseil auprès de laboratoires pharmaceutiques ayant vendu des médicaments à base d’opiacées contre la douleur, hautement addictifs. Ces médicaments ont plongé dans l’addiction plusieurs millions d’américains et ont provoqué plusieurs centaines de milliers de morts par overdose aux États-Unis ces dernières années, allant même jusqu’à contribuer à une baisse de l’espérance de vie dans ce pays.  La procureure de New York, laquelle a conduit la procédure aboutissant au paiement de 573 Millions de $ par le cabinet, a évoqué des « tactiques de marketing cyniques et délibérées » de la part du cabinet « ayant contribué à alimenter la crise des opiacées », « en aidant à cibler les médecins dont il savait qu’ils surprescriraient les opiacées. ».


Et c’est précisément ce cabinet qui a été choisi par notre gouvernement pour le conseiller sur sa stratégie vaccinale, le ministre de la Santé indiquant récemment encore devant le Sénat que le gouvernement venait de signer un nouveau contrat avec ce cabinet pour l’accompagner dans la mise en œuvre de sa stratégie vaccinale pédiatrique. Tous ces faits sont aisément vérifiables. Face à cela, il semble déraisonnable de taxer de complotistes les personnes se posant des questions sur de tels faits et demandant des réponses. Considérer simplement comme normal un tel recours à ce cabinet de conseil relève de l’indécence.


Enfin, il se trouve que ce cabinet de conseil compte dans ses rangs des collaborateurs ayant une proximité flagrante avec des personnes appartenant à la haute sphère politique et institutionnelle, conduisant à s’interroger sur une possible stratégie d’infiltration douce de la sphère décisionnelle politique par des recrutements savamment calculés au sein de ce cabinet.


Légitimement, se pose la question d’une interdiction pure et simple du recours par l’État à un cabinet privé de conseil en stratégie.


Evoquons un second exemple qui soulève des doutes quant à de potentiels liens cachés pouvant influencer des décisions politiques.

 


Les forums réunissant leaders politiques et économiques


Chaque année, les leaders politiques et économiques issus de nombreux pays se réunissent lors de forums où ils échangent ensemble sur différents thématiques. Ils y tissent de nombreuses relations personnelles. Certains participent depuis de longues années à des programmes intégrés à ces forums. Il est aujourd’hui légitime de s’interroger sur l’influence que peuvent avoir la fréquentation de ces forums et les réseaux de relations et d’intérêts qui en découlent.

En démocratie, lorsque le peuple élit une personne et lui confie du pouvoir, le peuple s’attend à ce que cette personne ait le peuple pour seul maître, qu’elle soit à son plein service. Si la personne élue dispose d’un réseau relationnel, d’un réseau de pouvoir, le peuple doit en être clairement informé. A défaut de cette connaissance par le peuple, il existe un risque que des décisions de l’élu soient secrètement biaisées par son appartenance à ce réseau à visée politico-économique.

Lors d’une rencontre à la Harvard Kennedy School le 20 septembre 2017 sur le thème ‘Strengthening Collaboration in a Fractured World’/’Fortifier la Collaboration dans un Monde Fracturé’, le président fondateur d’un des principaux forums politico-économiques mondiaux tenait des propos relativement sidérants. Il se réjouissait ouvertement du fait que les dirigeants de certains pays soient issus de la communauté des jeunes leaders de son Forum, allant même jusqu’à préciser que ce réseau « pénétrait » certains cabinets de dirigeants au point de représenter plus de la moitié de leurs membres. Parmi les pays que ce président fondateur citait comme des exemples de « pénétration » figuraient notamment le Canada et la France.

Il apparaît aujourd’hui indispensable que toute personne se présentant à un mandat électif soit dans l’obligation de déclarer son appartenance à une communauté liée à un forum politico-économique, et soit également dans l’obligation de déclarer l’ensemble de ses fréquentations à ce type de forum. Une telle obligation déclarative s’ajouterait tout à fait logiquement aux obligations de déclaration patrimoniale et de liens d’intérêt déjà existantes aujourd’hui. La fréquentation de tels forums constitue de potentiels liens d’intérêt qui doivent être connus des électeurs. Notre société a besoin de cette transparence.

 


A l’échelle européenne


Terminons en évoquant la nécessaire transparence à l’échelle européenne. Les institutions européennes peuvent exercer un pouvoir considérable sur les habitants des différents pays membres. Nous devons donc nous assurer que les processus décisionnels soient relativement étanches aux influences des lobbies, au risque sinon de briser la confiance que les peuples accordent à l’Union Européenne. Aujourd’hui, les processus en place semblent très loin d’être satisfaisants.

Nous apprenions récemment que la Présidente de la Commission Européenne échangeait des SMS personnels avec le PDG du principal laboratoire fournisseur de vaccins auprès de l’UE, SMS que la Présidente considérait comme privés et dont elle refusait de livrer le contenu, suscitant une réprobation de la part de la Médiatrice de l’Union Européenne, ce litige persistant encore aujourd'hui. En novembre 2021, cette même Présidente de la Commission Européenne remettait en mains propres à ce même PDG de laboratoire une distinction de « Dirigeant d’entreprise de l’année » lors d’une cérémonie aux États-Unis organisée par l’Atlantic Council.

Nous avons également découvert que le contenu des contrats signés entre l’Union Européenne et les laboratoires fabricants de vaccins étaient en grande partie secrets et invisibles aux yeux du grand public. Nous avons aussi appris que cette même présidente de la Commission Européenne a été mise en cause dans son pays d’origine, l’Allemagne, au sujet de contrats passés avec des cabinets de conseils pour des montants de plus de 200 millions d’euros lorsqu’elle occupait le rôle de ministre de la Défense ; certains parlent d’une « armée de consultants hors de contrôle ». Ce scandale a fait l’objet d’une commission d’enquête parlementaire outre-rhin, laquelle a révélé là-aussi des disparitions problématiques de SMS. Parmi les cabinets de conseils impliqués, nous retrouvons le fameux cabinet ayant conseillé le gouvernement français sur sa stratégie vaccinale.

Manifestement, beaucoup reste à faire en matière d’étanchéité entre la sphère économique et la sphère politique à l’échelle européenne. Un tel niveau de porosité ne peut que susciter des doutes, saper la confiance, et apporter de l’eau au moulin de ceux qui pensent que le peuple subit les décisions d’une caste de dirigeants déconnectés, voyant le monde à travers des tableaux Excel et copinant entre eux une coupe de champagne à la main.

 

Ainsi, cette crise sanitaire s’est accompagnée de quantités de décisions et de pratiques qui posent légitimement la question du lobbying. Des analyses approfondies devront y répondre. Parmi les sujets figurent bien entendu la vaccination de masse mais aussi le rejet voire le dénigrement des molécules anciennes repositionnées pour traiter la Covid. Ces molécules (Ivermectine, Fluvoxamine, HCQ, Vitamine D…) sont peu chères et moins rentables pour l’industrie pharmaceutique, mais des études leur confirment un certain potentiel face à ce virus. Peu à peu se consolidera la vérité scientifique sur leur niveau d’efficacité réelle, avec le cas échéant de sérieuses questions concernant les raisons qui ont conduit à les écarter voire à les interdire.

Mais le lobbying frauduleux est bien loin de se limiter au seul domaine médical. La société doit s’en protéger dans tous les domaines.  Voici donc une mesure dans ce sens :

Convention citoyenne pour le contrôle du Lobbying


Dès que possible, serait mise en place une convention citoyenne sur un modèle proche de la récente Convention Citoyenne pour le Climat, réunissant par tirage au sort 150 citoyens - le tirage au sort visant à réduire la présence de personnes ayant des liens d’intérêts. Cette assemblée de citoyens pourrait s’appuyer sur un groupe de juristes et d’experts à disposition pour aider à la formalisation du travail et des démarches. Cette convention disposerait par ailleurs de pouvoirs légaux de convocation de personnes appelées à témoigner et répondre à des questions sous serment.

 

Voici une série non exhaustive d’objectifs possibles pour cette convention citoyenne :

  • Etablir un cadre légal et opérationnel strict permettant de canaliser et surveiller les situations de lobbying autorisées.
  • Identifier les différentes situations possibles de lobbying secret et frauduleux, non autorisées.
  • Identifier les différentes formes de transaction, de trafic d’influence, de corruption, d’embauches, de faveurs etc… susceptibles de découler d’une situation de lobbying.
  • Identifier les grands réseaux nationaux et internationaux liés par des intérêts ainsi que leurs moyens d’exercer du lobbying.
  • Identifier les acteurs économiques, politiques, médiatiques particulièrement concernés par des situations de lobbying.
  • Etudier les situations de lobbying au sein des institutions européennes.
  • Formuler des projets de lois selon les conclusions de la Convention
  • Concevoir de nouvelles modalités de surveillance du respect des lois relatives au lobbying



Il est temps de prendre à bras le corps ce sujet du lobbying. Il s’agit là d’une condition essentielle pour restaurer la confiance en nos gouvernants, nos responsables politiques, mais aussi plus largement la confiance en notre société.


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